Il a fallu 400 ans aux Hébreux (de 2488, entrée en Terre sainte
à 2871, début des Prophètes) pour réaliser qu’ils n’étaient pas comme tous les
autres peuples ; à savoir qu’ils n’avaient pas de roi. Certes ils avaient
à leur tête des Juges, sages et courageux : Barak, Deborah, Gidon, Samson
même, mais honnêtement, être dirigés par un Juge dans ce Moyen-Orient qui
fourmillait des tyrans, de roitelets et de rois, ça ne fait pas très classe. Aussi,
ils s’adressèrent à Samuel, le premier Prophète en exigeant un roi : « établis
sur nous un roi pour qu’il nous dirige comme cela se fait chez tous les autres
peuples ». Cette demande déplut fortement à Samuel. Il consulta l’Eternel,
à qui la demande ne plut pas d’avantage : « fais donc ce qu’ils te
demandent, mais avertis-les bien en leur faisant connaître les droits du roi
qui régnera sur eux. Samuel dressa au peuple un tableau sinistre des exigences
d’un roi envers ses sujets mais les Hébreux n’en eurent cure : « Nous
voulons, nous aussi, être dirigés comme tous les autres peuples. Notre roi
rendra la justice parmi nous et prendra notre commandement pour nous mener au
combat ». Samuel fit jouer ses relations et dénicha un jeune homme de la
petite tribu de Benjamin qui avait la particularité d’être très beau et très
grand. « Aucun Israélite n’avait plus belle allure que lui ; il les
dépassait tous de la tête ». Samuel l’oignit et Saül devint le premier roi
des enfants d’Israël. Le premier roi d’Israël avait donc la particularité d’être
photo et télé génique ; n’est-ce pas la principale qualité d’un roi ?
Après Saül vinrent David puis Salomon.
On pardonna à David ses frasques et à Salomon ses innombrables
épouses - dans l’intérêt supérieur du pays - et les lourds impôts qu’il fit
peser sur les Hébreux (on se vengea sur son ministre des Finances). Après tout
un roi fait ce qu’il veut mais les Ministres sont interchangeables. A leur
suite le pays se divisa en deux blocs ce qui accéléra grandement l’exil de
enfants d’Israël de la Terre Sainte.
Objectivement, la royauté fut catastrophique pour les Hébreux ;
il n’empêche qu’elle marqua les esprits en une nostalgie qui se poursuit encore
de nos jours. Récemment un homme politique décréta que les Israéliens se divisaient
en deux camps : ceux qui aiment le son des Darbouka et ceux qui préfèrent
les concerts de musique classique. Il avait tort : en Israël il y a ceux
qui veulent un roi et sont prêts à lui passer toutes ses frasques et ceux qui se
languissent de la période des Choftim, des Juges.
« Bibi (à la place de David), mélekh (roi) Israël »
est entonné à chaque apparition de Netanyahou. Bon, ce n’est qu’une chanson
mais elle dénote une envie irrépressible de confier son destin à un homme qui décidera
de toutes choses, petites ou grandes, à leur place, parce qu’il est grand,
beau, télégénique, beau parleur, si possible en anglais, qu’il maîtrise bien
mieux que vous et moi, et, j’allais oublier, parce qu’ils l’aiment. Cet homme
ne doit surtout pas pas leur ressembler, il doit, comme Menahem Begin venir d’une
autre planète. Moïse, choisi par l’Eternel pour conduire le peuple hébreu n’était-il
pas le seul à posséder une double culture ?
Cette envie de confier son destin à un élu, devant qui on
annule sa propre volonté, est quelque fois doublée d’un phénomène analogue :
se choisir un leader spirituel chapeauté qui sera l’intercesseur entre le Ciel
et notre petite personne. Parce qu’il
sait mieux que nous où se trouve notre propre intérêt, parce qu’il a étudié d’avantage
les choses de la sainteté, parce qu’il est le descendant d’une famille illustre
(les Grands rabbins actuels d’Israël ne sont-ils pas les fils de leur père),
parce qu’il est tellement plus facile de vivre quand le Rebbe a dit.
Dans l’autre camp il y a ceux qui ne veulent surtout pas d’un
roi, un homme ordinaire suffit, qui considèrent que la pratique du libre
arbitre est la vertu essentielle, que le Ciel est à la portée de tout un
chacun, sans intercesseur et sans gourou, que la Justice, avec un grand J , la
morale basique et la propreté sont des
vertus essentielles.
Dans ce Moyen-Orient tapageur et surexcité, il est bon qu’Israël
se distingue pas son sang froid et une éthique irréprochable. Ainsi il pourra
devenir enfin Or La goïm, la Lumière pour les Nations.
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