On a tendance, pour appréhender la suite des jours, à se référer aux Prophètes d’Israël : Osée,
Amos, Habacuc, Zacharie, Malachie …, et
on n’a pas tort, dans la mesure où ces prophètes sont inspirés par le Très Haut
et ne prédisent que ce qu’Il a bien voulu
leur communiquer, généralement dans leur
sommeil. Mais, dans la mesure où tous ces prophètes sont issus d’Israël, on peut penser que leurs prophéties sont orientées pour le bien d’Israël, et donc quelque part sujettes à caution, et
on tendance à oublier celui qui, de
notoriété rabbinique, est considéré comme le plus grand prophète de tous les
temps (plus grand même que Moïse, dit-on) à savoir Bil’am.
Raconter l’histoire de Bil’am demanderait trop de temps, aussi je vous invite à vous reporter à votre Pentateuque habituel : Livre
Bamidbar, Les Nombres, section Balak. A ce stade ne retenons de Bil’am que deux
caractéristiques ; il n’est pas juif, donc ses prophéties n’ont aucune
raison d’être orientées en faveur d’Israël
et, il a prophétisé en l’an 2488 de la
création du Monde. Si cette date ne vous dit rien, reportez-vous 40 ans plus
tôt, soit en l’an 2448, qui correspond à la sortie d’Egypte et au don de la
Torah au mont Sinaï. Quarante années plus tard, Moïse passe la main à Josué qui, avec les Hébreux
nés dans le désert se prépare à conquérir la Terre promise. C’est un peuple composé de guerriers jeunes
et déterminés. Ils sont tous âgés de
moins de 40 ans, étant nés dans le désert, et non de pleutres nés sous l’esclavage
égyptien, lire en Diaspora. Ils fourbent leurs
armes pour reprendre la terre qui appartint à leurs ancêtres, contraints pour
cause de famine à s’exiler en Egypte. Les descendants de Jacob et de ses douze
fils transformés en douze tribus aux effectifs conséquents, sous la conduite de
Josué et de Caleb ben Yéfouné, seuls rescapés des geôles égyptiennes, savent
que les habitants des lieux ne vont pas leur céder la place sans combattre.
C’est peu de temps avant de franchir le Jourdain pour livrer
leur première bataille à la ville fortifiée de Jéricho qu’intervient la
prophétie de Bil’am. Le plus grand prophète que connaitront les Nations
prononce ses oracles. Oh, il n’est pas un chaud partisan d’Israël ; il
serait même, de l’avis général, le
premier grand antisémite, ou antisioniste, au choix, de l’Histoire, avant la lettre et avant
l’invention du terme. N’oublions pas
qu’il s’agit d’un mercenaire embauché à grands frais par le roi Balak pour
maudire Israël. La malédiction à cette époque - cela n’a pas trop changé
depuis quand on écoute le prêches des Ayatollahs
- devait se traduire en victoire
militaire pour Balak.
Bil’am aimerait beaucoup maudire Israël, mais il ne peut
pas, pour la simple et bonne raison que l’Eternel ne le lui permet pas. Il faut par conséquent lui
reconnaitre au moins le mérite d’être un grand croyant, un homme de foi, qui ne
s’écarte pas d’un iota de ce que D. lui met dans la bouche.
On peut à ce stade,
faire un distinguo entre antisémitisme et antisionisme. Le premier terme se
rapporte au pauv. Juif empoté, faible et
mû par la seule motivation de survivre parmi les Nations haineuses. A ce Juif
sont rapportés quantité de qualificatifs méprisants tels que : avare, laid, animé par l’esprit de
lucre, sale, débauché, faible, passif, sournois,
voleur, comploteur dans l’ombre. Plus tard est même apparue l’accusation de déicide.
On constatera que dans l’oracle de Bil’am rien ne rappelle
de près ou de loin ce type d’image. Bien au contraire, quel que soit le sens
dans lequel on tourne ses bénédictions à double tranchant, on ne voit que des
qualificatifs laudatifs, admiratifs, qui se rapprochent du « Peuple sûr de
lui et dominateur « dont nous affublait le Général de Gaulle. Ce qui
laisse penser que Bil’am ne s’adresse pas à des individus isolés mais bien à
une nation conquérante, en voie de constitution. A ce titre Bil’am doit être considéré plutôt comme un antisioniste qu'un antisémite.
Bil’am commence son oracle en distinguant d’entrée le peuple
juif des autres nations « ce peuple, il vit solitaire, iI ne se confondra
point avec les nations ». Les autres peuples n’ont pas de problème à se
mélanger les uns aux autres, par épousailles ou par alliances. Ils ne disposent
pas d’interdits alimentaires, festifs et autres mitsvot spécifiques qui
le tiendront toujours à l’écart des autres Goyim ; lire peuples. Israël au contraire
réclamera, comme le dit si bien Netanyahou à ce que l’Etat d’Israël soit
reconnu comme un Etat juif, un Etat distinct, inassimilable parmi les Nations, puisque
une fois sur sa terre il compte bien se tenir à l'écart des autres Nations et ne
voudra jamais être intégré dans une confédération ou dans une quelconque assemblée
de nations possédant des valeurs communes. Ainsi aujourd’hui, Israël ne veut partager son sort avec aucun
autre Etat de la région, ni céder une quelconque partie de ses territoires. Ce
n’est donc pas tant le refus des Arabes de le considérer comme une entité
acceptable dans le Moyen-Orient que le refus de l’Etat juif d’acquérir quelque
valeur des pays qui l’entourent, qui le tient à l’écart.
Dans son second oracle Bil’am se réfère à la protectia toute
particulière dont dispose Israël auprès de l’Eternel : « Il
n'aperçoit point d'iniquité en Jacob, il ne voit point de mal en Israël:
l'Éternel, son Dieu, est avec lui, et l'amitié d'un roi le protège» ……
« Il n’y a pas de magie à Jacob, point de sortilège à Israël: ils
apprennent à point nommé, Jacob et Israël, ce que Dieu a exécuté ».
Rashi interprète ainsi le premier passage : Il Ne
regarde pas trop de près l’iniquité de Jacob, s’il transgresse les Commandements
et Ne cherche pas trop exactement à bien analyser leurs fautes. Il existe manifestement, selon Rashi et
aussi à la lecture littérale du texte, une tolérance toute particulière du Tout
Puissant envers Israël, à l’inverse des autres nations qui sont jugées à l’aune
de leurs actes. Il est clair que Bil’am veut nous expliquer que oui, il y a de
l’iniquité en Israël et que, oui le mal y est présent comme partout ailleurs, mais, que pour des
raisons qui appartiennent au Tout Puissant, Il regarde ces choses mauvaises à
travers une loupe déformante, avec compassion et tolérance. Est-ce dû à l’absence
de magie et de sortilèges, coutumiers aux autres nations et non pratiquées en
Israël ou est-ce tout simplement pour l'amour tout particulier de l’Eternel porte à son peuple favori qu’il extrait d’Egypte en infligeant les pires plaies aux
Egyptiens. Quoi qu’il en soit Israël bénéficie d’un droit de faveur, voire d’un
passe-droit, qui l’avantage considérablement par rapport aux autres Nations.
Que faire contre cela ?
Et pourtant, si on observe la vie et la condition des
Juifs à travers les siècles on ne voit pas trop où se situe l’indulgence de l’Eternel à
l’égard de ce peuple méprisé. A contrario, si l’on observe l'extraordinaire montée en
puissance de l’Etat d’Israël depuis sa
création (et même depuis la Seconde Alyah) on ne peut que donner raison à
Bil’am. Effectivement l’Etat d’Israël bénéficie, à n’en pas douter, d’une
protection particulière de l’Eternel, même, comme nous dit Rashi, s’il ne
respecte pas à la lettre les Commandements. Ce qui peut nous amener à penser
qu’il importe assez peu à Hashem que l’Etat d’Israël a été construit par des
Haloutsim, des pionniers, qui ne se souciaient guère du respect des Mitsvot.
L’important est la confiance mise dans le D. d’Israël qu’Il soutiendra son
peuple dans son retour à la terre de ses ancêtres. Le parallèle entre la
conquête de la terre par Josué et la conquête par les pionniers du XX e siècle
est frappant. Et ce n’est pas par hasard que David ben Gourion avait le livre
de Josué comme livre de chevet.
Non seulement D. aime ce peuple et est peu regardant pour ce
qui est de ses transgressions mais il le tient informé directement ou par le
biais des prophètes et des Sages de ce qu’Il entreprend « ils apprennent à
point nommé, Jacob et Israël, ce que Dieu a exécuté ».
Enfin, le second oracle de Bil’am se termine par un réveil
brutal qui sort Ie Juif de sa léthargie galoutique et le transforme en guerrier, en soldat de
Tsahal « Ce peuple se lève comme un léopard, il se dresse comme un
lion; il ne se reposera qu'assouvi de carnage, qu'enivré du sang de ses
victimes!" Le parallèle entre
le Livre de Josué qui s’approprie progressivement le Terre sainte en livrant
des batailles et les Guerres menées par
le Palma'h, puis par Tsahal, est patent. Dans un cas il s’agit d’un
peuple sorti de l’esclavage qui se régénère pendant quarante ans dans le
désert, sans tradition guerrière, puis, part à la reconquête de Canaan, et de l’autre de pionniers venus de Russie au
début du XX e siècle, puis d’immigrants qui n’avaient jamais tenu un fusil, fraîchement débarquées en 1948 des bateaux et envoyés immédiatement sur le champ
de bataille.
La métaphore animalière qui sera reprise au troisième oracle
presque mot à mot séduit manifestement Bil’am : « II dévore les
peuples qui l'attaquent … Il se couche, il repose comme le lion et le léopard:
qui osera le réveiller ? ». Elle vient nous apprendre deux
choses d’importance : la première est qu’Israël n’attaque jamais en
premier, il se défend contre ses agresseurs ; Tsahal, soit l’armée
de défense d’Israël, n’est pas une abréviation usurpée, la seconde est que, si
on le laisse tranquille, on n’a rien à craindre de lui.
Le troisième oracle se rapporte à Israël sur sa terre:
« Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob! Tes demeures, ô Israël! Elles se développent comme des vallées, comme
des vergers le long d'un fleuve; Dieu les a plantées comme des aloès, comme des
cèdres au bord des eaux. La sève
ruisselle de ses branches, et sa graine est abondamment arrosée ».
Bien des explications subtiles ont été écrites sur ces textes et je vous
invite à vous rapporter à vos commentateurs habituels. J’en vois quant à moi,
en considérant la littéralité du texte, une description d’Eretz Israël
contemporain, tant matérielle que spirituelle. Admettons que les « tentes
de Jacob » soient les maisons d’études qui fleurissent aujourd’hui en
Israël, non sans poser quelque fois des problèmes à l'autre Israël qui habite dans
« ses demeures », il n’empêche que les deux cohabitent dans un lieu
idyllique. C’est du moins ainsi que décrit Bil’am le nouveau Yishouv : vergers
le long du fleuve, cèdres au bord des eaux, sève et aloès, graine est
abondamment arrosée. On se croirait dans le Sharon ou dans la Shfela. Je doute
même qu’à l’époque de Josué et de ses
successeurs la terre fut si fertile et les tentes et les demeures si
« belles »
Ce troisième oracle commence à aborder la suite des temps - ce qui sera complété dans
le dernier oracle - et évoque la royauté d’Israël qui dépassera en puissance celle
du Roi d’Amaleq : « son roi est plus grand que n'est Agag, sa
royauté grandira toujours plus haut ». Il est clair que ce passage se
rapporte à l’épisode où Samuel met à mort le roi des Amalécites, Agag, que Saül
a épargné à tort ; ce qui d’ailleurs lui vaudra la perte de la royauté.
Donc, Bil’am fait référence aux règnes de David et de Salomon qui constituent
une montée en puissance par rapport à celui de Saül. Dans un perspective
contemporaine, Bil’am se réfère à la
puissance politique et militaire montantes
d’Israël qui, progressivement, ne sera plus tributaire des autres
nations et aura atteint sa « souveraineté politique », autre façon de traduire la montée en puissance
de la royauté.
Dans le quatrième et dernier oracle qui clôt les visions de
Bil’am, celui-ci se réfère à l’avenir lointain, à la « suite des jours »,
comme l’on dit en hébreu. C’est dans ce passage que Bil’am fait état de ses extraordinaires capacités
prophétiques. Il commence par s’envoyer
des fleurs en se positionnant comme le prophète absolu : « l'homme
au lucide regard, celui qui entend le verbe divin et connaît le secret du
Très-Haut, qui perçoit la vision du Tout-Puissant, qui fléchit, mais dont l'œil
reste ouvert ». Il convient de s’interroger sur la validité de ces
compétences hors du commun. Pour mieux comprendre la personnalité et les
talents particuliers de Bil’am, je vous reproduis un texte que j’ai rédigé en
Octobre 2008 qui vous montrera en quoi Bil’am est effectivement le plus grand
des visionnaires:
Nos sages sont
unanimes : Bil'am ou Bli’am (homme sans peuple) possédait un degré de prophétie
supérieur à celui de Moïse. Etonnant, comment cela est-il possible ?
La Guemara dans Brakhot 7A, nous fournit une bonne piste
de réflexion. En effet, il est dit que Bil'am était le seul homme à posséder un
don tout à fait exceptionnel. Je dis bien un "homme", car le Talmud
nous explique que les animaux, ou du moins certains d’entre eux, tels le coq,
connaissent d’instinct, le moment précis où Dieu se met en colère. Bilam
manifestement partageait ce don avec le
coq. Il connaissait l’instant précis où D. se fâche, et utilisait cet instant
pour parvenir à ses fins, qui en général, consistait à maudire les Hébreux.La première question qui se pose est : D. peut-il se
mettre en colère ? Une fois encore, les Sages sont unanimes, en citant les
passages appropriés : oui D. peut des mettre en colère, de la même manière que
D. prie. Que demande-t-Il dans sa prière ? Rav Zoutra Bar Touvia nous dit : D.
prie pour que "Sa miséricorde l’emporte sur Sa colère". Preuve
supplémentaire que D. est capable de colère.Cette colère ne dure qu’un instant, qui en hébreu se dit
réga. Un instant-réga n’est pas une
mesure de temps approximative, comme dans l’hébreu courant, où la caissière dit
à une cliente qui s’impatiente "réga Givérét", un instant, madame.
C’est une mesure de temps précise, qui servait aux sages de l’époque dans
toutes sortes de calculs astronomiques. La mesure du réga varie légèrement
selon les sources. Ainsi dans ce passage du Talmud Brakhot, réga représenterait
1/ 58888 d’heure, soit 0.061 seconde. Dans d’autres textes on obtient 0.044
seconde. Cette fraction de seconde intervient lors des trois premières heures
du jour.Et pourquoi D. se met en colère ? La Guemarra précise que
D. s’emporte contre les Rois de l’est et de l’ouest, qui, aux trois premières
heures du jour, ôtent leur couronne pour se prosterner devant le soleil levant.
Bilam, mercenaire de Balak, est invité, et grassement
payé, pour maudire les enfants d’Israël, et, a toutes les chances d’y
parvenir si D. s’était effectivement mis
en colère à cet instant précis, ce jour précis. Le Talmud nous dit qu’il ne serait pas resté
grand-chose des Hébreux. Or Hachém décide de modifier son mode opératoire
habituel, pour que la malédiction de Bilam soit inopérante. Vous connaissez la
suite : le peuple d’Israël eut droit à la plus belle bénédiction de son
histoire, énoncée par le plus grand, le
talentueux et le plus foncièrement méchant prophète des Nations, de tous les
temps.
Le Guemara nous explique que le coq connait d’instinct
l’instant précis où D. se met en colère. Cela se manifeste par un blanchiment
soudain de sa crête et le fait qu’il se tient sur une seule patte. Or, la
Guemara raconte que Rabbi Yéoushua ben Lévi était tout le temps importuné par
ce que le Talmud appelle un Min, qui contestait sans cesse les versets de la
Torah ; Rabbi Yéoushua, excédé, décide de le maudire, à la manière de Bil'am. Il
prend donc un coq, l’attache au pied de son lit et attend le moment propice qui
lui serait révélé par le changement de physionomie et de comportement du coq.
Manque de chance, le rabbi s’endort, et le moment fatidique passe. A son
réveil, au lieu de se désoler d’avoir laissé passer l’instant propice à la
malédiction, il de réjouit de n’avoir pas eu à maudire qui que ce soit, même le plus mécréant des mécréants. Cette
page du talmud nous interpelle à plusieurs titres.D’abord sur l’existence effective de prophètes, mages, visionnaires de tout
poil, qui ne proviennent pas de la
communauté d’Israël et qui, à certains égards sont plus affûtés que les prophètes juifs. Qu’ils soient tournés vers le bien ou vers le mal est affaire
d’interprétation, mais une chose est certaine, nous n’avons rien à gagner à les
écouter ou à nous attacher à leurs pas. Certains parmi eux possèdent une
propension au mal qu’ils ont largement prouvé dans le passé, profitant d’une
absence passagère de D. (ou, colère divine) pour nuire aux juifs. Les exemples
abondent. Bil'am d’ailleurs, n’ayant pas réussi à maudire les Hébreux, s’est
rattrapé par la suite en les engrainant dans une vague de débauche qui leur a coûté fort cher.
La colère de D. est tournée contre "les rois de
l’est et de l’ouest" qui se prosternent devant le soleil. Il me semble – interprétation personnelle –
que l’on peut aller plus loin dans la définition de ces rois. Ne s’agit-il pas
des chefs, matériels ou spirituels, de ce monde, qui n’ont pas trop bien
compris qui le dirige effectivement, et qui auraient tendance à se prosterner
devant le Pouvoir, la Richesse qui brille comme le soleil, et plus généralement
devant de faux dieux qu’ils considèrent comme parfaitement authentiques et
opérants.Maudire quelqu’un, même une petite malédiction de rien du
tout qui ne tire pas à conséquence, est une erreur qui peut être lourde de
conséquences. Qui nous dit en effet que cette malédiction n’aura pas été entendue
là-haut ? Placer D. aux abonnés absents, peut s’avérer à la fois stupide et
dangereux, parce que notre niveau de prophétie et plus proche d’epsilon que de Moïse.
Le début de cette dernière prophétie a été abondamment commenté
car elle traiterait du Roi messie à venir «un astre s'élance de Jacob, une
comète surgit du sein d'Israël, qui écrasera les sommités de Moab et dominera
les fils de Shét ». L’astre ou plutôt l’étoile (Ko’hav) a fait penser à Rabbi Aquiva que le Messie
n’était autre que Bar KokhBa ou Bar Koziba, Fils de l’Etoile. Ce ne fut pas le
cas. Les Chrétiens s’en sont emparés en l’attribuant à leur Prophète. Il
semblerait que là encore il y ait eu usurpation; donc, l’astre ou l’étoile
est encore à venir. Seule certitude nous dit Bil’am, cet homme-astre est issu de
Jacob/Israël. Nous en sommes flattés et
attendons son arrivée avec impatience.
Manifestement pour Bil’am il s’agit non pas d’un Messie
pacifique mais d’un guerrier qui livrera des batailles aux ennemis d’Israël. Passons
en quelques-uns en revue :
« Dominera tous les enfants de Shéth » La
dénomination « Les descendants de Seth » ainsi que le verbe « dominer »
posent un très gros problème dans la mesure où Shét est le seul fils survivant
d’Adam qui, par définition, a donné naissance à l’Humanité toute entière.
Est-ce à dire que toutes les nations du monde seront les adversaires
d’Israël et qu’Israël aura à les affronter toutes ? Le grand Rabbin Zadoc
Kahn dans la traduction officielle de la Bible par le rabbinat à son époque
(fin du XIX e siècle), conscient de cette difficulté, préfère botter en touche
et traduire « les fils de Shét » par « les enfants de l’orgueil ».
J’ignore où a t-il été chercher cette expression.
Rashi qui n’a pas froid aux yeux, confirme que les enfants de Shét représentent toute l’Humanité. Et Onqelos, le
génial prosélyte et traducteur/commentateur de la Torah en araméen, va encore
plus loin en traduisant le verbe « qarqar » que j’ai
traduit par « dominer » par « contrôler, gérer, gouverner »
(Shilton signifiant pouvoir). Le
rabbin Elie Munk dans son célèbre commentaire en français de la Torah nous
rappelle que le Targoum de Jonathan nous dit que les enfants de Seth sont Gog
et Magog dont la valeur numérique correspond à 70, soit au nombre total des
Nations. Donc, à la fin des temps, Israël fera la guerre à Gog et Magog et les
anéantira. Ce qui revient exactement au même, mais est dit dans des termes plus
ambigus. Donc, soyons clairs, Bil’am
nous annonce que, dans un avenir lointain, lorsqu’un astre, une étoile, quelque
chose ou quelqu’un émergera d’Israël/Jacob, ce dernier sera appelé à dicter sa
loi au monde entier. Quelle outrecuidance ! C’est là précisément que j’apprécie
qu’une telle prophétie ne soit pas prononcée par un prophète d’Israël mais par
un visionnaire qui non seulement déteste Israël mais n’est pas issu de ses
rangs. Cela donne un tout autre poids à ses dires.
Edom, pour nos sages est clairement synonyme de l’empire
Romain et, par extension, de la Chrétienté triomphante, puis de l’Occident éclairé
tout entier. Edom est devenu le symbole
de l’antisémitisme. Ce qui commença avec l’empire Romain qui supprima jusqu’au
nom d’Israël pour le remplacer par « Syria Palæstina » qui baptisa Jérusalem
par le doux nom de « Aelia capitolina », se poursuivit en Europe sous
les formes les plus ignobles. Bil’am tient à nous préciser qu’aux temps futurs Israël,
non seulement se libérera de l’oppression d’Edom mais leur livrera une guerre
victorieuse.
Amaleq quelque fois associé à Edom est l’archétype de
l’ennemi implacable d’Israël qui devra être combattu à chaque génération. Rappelons
qu’Amaleq fut le premier de tous les peuples à attaquer Israël dans le désert
du Sinaï, en s’en prenant plus particulièrement aux traînards, vieux et enfants. Le territoire d’Amaleq dans les temps bibliques était voisin de celui
d’Edom d’où sans doute l’association d’idées entre ces deux peuples .
Des flottes partiront de Kittim. Nos sages nous expliquent:
Des flottes partiront de Lombardie et s’allieront
avec des légions venant de Constantinople. Ils asserviront les Assyriens et les repousseront de l’autre côté de l’Euphrate.
Bil’am n’oublie pas les Ismaélites. Le Zohar
nous explique qu’il ne faut pas lire מי יחיה משמו אל (qui peut vivre quand D. ne l’a pas voulu)
mais מי יחיה מישםעאל (qui survivra
à l’époque des Ismaélites). Rabbi Shimon bar Yohaï dans la talmud
Sanhédrin nous dit : « Qui survivra
à l’époque des Ismaélites ? Ce sont eux qui livreront les dernières batailles avec leur férocité
coutumière contre les Juifs. Le Zohar toujours rappelle qu’à la fin des temps
les ismaélites mèneront trois guerres contre Israël : une sur mer, une sur
terre et une contre Jérusalem.
La tradition juive
porte un jugement extrêmement sévère sur Bil’am. Il est, selon la Guemarra
Sanhédrin (90) un des quatre personnages
qui n’aura pas droit au monde futur, ce qui représente le comble de la punition
infligée à un humain et pourtant les sages admettent - il serait difficile d’en
faire autrement - que Bil’am reconnaissait et respectait D.
Ce jugement est d’une sévérité extrême et passablement
injuste à mon très humble avis, parce qu’en fin de compte ce qui importe ce sont les mots prononcés et la trace laissée sur le devant de l’Histoire. Les
bénédictions, même en sous teinte, prononcées par un Prophète visionnaire qui
ne faisait pas partie d’Israël ont marqué l’inconscient collectif bien plus que celles prononcées par
les Prophètes d’Israël, . Il est le premier à avoir
changé l’image du peuple juif qui, d’une assemblée d’esclaves, est appelé à
devenir un peuple conquérant et créatif qui façonnera l’Histoire du monde. Ce qui a commencé avec Josué et qui continue
aujourd’hui en Eretz Israël. Si l’Etat juif est en mesure de tenir sa place et
d’imposer sa marque dans une immense région peuplée uniquement d’ennemis, si
les Juifs raflent 22 % des prix Nobel, si Israël fait la une des journaux alors
que tant d’autres choses graves se déroulent de par le monde et que personne
n’en parle, cela ne doit pas être considéré comme une surprise. Il suffit de se
reporter aux oracles de Bil’am ; tout y est écrit et décrit. Une braïta (terme
désignant une tradition orale juive non incorporée dans la Mishna) nous dit que
« Moïse a écrit son Livre ainsi que le
Livre de Bil'am et le livre de Job. Ce qui signifie deux choses : que le
Livre de Bil’am (et celui de Job) ont un
poids et une crédibilité considérables puisqu’ils ont été rédigés par le même
Moïse qui a écrit la Torah d’Israël, mais aussi que ces deux livres exogènes
doivent bénéficier d’une vie propre, et
je rajouterais d’un message , voire d’un avertissement universel :
détestez les juifs tant que vous voulez, vilipendez l’Etat des Juifs, ça ne
changera rien. Ce peuple, qui aujourd’hui possède un espace vital qui lui appartient
est l’acteur principal dans l’écriture de l’Histoire. Pourquoi, et bien tout
simplement parce qu’il bénéficie d’une protectia spéciale du Tout
Puissant. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Bil’am.