Le conflit qui oppose les tenants de l’incorporation des
étudiants des Yeshivot à l’armée à ceux qui s’y opposent est le grand sujet qui
engage Israël dans les années à venir et
les solutions qui y seront apportées décideront de l’avenir du peuple juif dans
sa globalité.
De quoi s’agit-il ?
La position des antireligieux et des observants en calotte tricotée
(kippa srouga) qui servent dans Tsahal, repose essentiellement sur un sentiment
d’injustice sociale : Pourquoi les
Harédim qui refuseraient de servir à
l’armée et, par voie de conséquence, de risquer leur vie dans les guerres d’Israël,
seraient-ils en droit de percevoir des subsides de l’Etat, qui leurs permettraient
de continuer à étudier la Torah en toute quiétude La position des Yéshivistes et de leurs rabbins consiste à
soutenir que leur étude contribue tout autant à protéger l’Etat d’Israël que
les soldats et réservistes qui servent dans Tsahal, que cette étude seule
permet de sauvegarder les valeurs juives et que leur incorporation dans une
armée, qu’ils estiment non conforme à leurs normes, les détournera de leurs
pureté doctrinale et existentielle.
Comme on peut le constater les positions sont
inconciliables, ne se situant pas sur le même registre. Les premiers traitent
les seconds de parasites sociaux et les seconds traitent les premiers de
fossoyeurs du Yidishkeit, de la judéité.
Qui a raison ? Les deux bien sûr !
Les adversaires des Harédim
sont outrés non seulement par le refus de verser leur contribution à la défense d’Israël, tout
en quémandant les aides d’un Etat qu’ils ne servent pas, mais aussi par leur
mépris vis à vis de l’institution même de Tsahal ; celle-ci représentant
pour eux un lieu de débauche et de
perdition où ils souilleraient leur âme. Ce qui laisse bien entendu entendre
que les filles et les garçons qui servent dans l’armée y ont perdu leur âme, si
jamais ils en possédaient une avant leur incorporation. C’est donc le regard
des Harédim sur la plus sacro-sainte des Institutions israéliennes qui pose
problème à l’Israélien lambda. Celui-là
a servi dans l’armée et considère, en règle générale, que sa période de Service
et ses Milouïm (réserve) l’ont aguerri, mûri et, globalement bonifié, et ne supporte pas qu’elle soit vilipendée, voir
méprisée. Les Harédim justifient leur refus de plusieurs manières:
Ils considèrent que le simple fait d’étudier le Talmud et ce
qui s’y rattache « protège » le peuple d’Israël au même titre que le
service actif dans Tsahal, si ce n’est d’avantage. Cet argument, hautement
ésotérique, n’est pas démontrable. Peut-être que oui, peut être que non. Il est
en tout cas peu recevable par le conscrit moyen qui considère qu’il s’agit de
chtouïot (bêtises)
Ils considèrent, qu’à l’inverse des matières classiques
enseignées à l’université, qu’il est possible d’interrompre puis de reprendre quelques
années plus tard, l’étude du Talmud ne souffre pas d’une
interruption de plusieurs années, faute
de … Faute de quoi , je l’ignore. A
priori il serait possible d’étudier certains Traités talmudiques avant
l’incorporation puis d’en étudier d’autres après. Au dire des Rabbins c’est
impossible, l’élan ne peut être rompu, comme ne peut être rompu leur mode
de vie protégé et semi ghettoïsé, faute de quoi …
Ils se considèrent comme les gardiens des vraies valeurs du
judaïsme traditionnel qui passe, encore une fois, par l’étude du Talmud et de
ses Commentateurs. Si une partie d’Israël cessait de l’étudier, alors la
spécificité du peuple juif serait perdue irrémédiablement. Cet argument ne manque pas de poids si l’on
considère l’inculture crasse de l’Israélien lambda des sources judaïques
traditionnelles. On peut soutenir à l’inverse que les Etudiants de Yéshivot connaissent très mal les Prophètes et Hagiographes
(Tanakh ou Bible) qui sont enseignées au collège et Lycée, et souvent fort bien
enseignées dans le courant sioniste religieux.
Le problème est d’autant plus aigu à partir du moment où
l’on sait que pour des raisons bassement matérielles, le statuquo ne pourra pas
se prolonger. Autrement dit qu’une fraction plus ou moins importante des
yéshivistes devra bon gré, mal gré intégrer l’armée ou quitter le pays.
Ma difficulté à prendre parti pour un camp ou pour un autre
provient du fait que je les comprends tous les deux et que certains aspects
dans chaque camp m’insupportent.
Je comprends l’acharnement des yéshivistes à étudier la
Torah mais je ne comprends pas leur incapacité, voire leur refus de partager leur savoir avec ceux qui n’en possèdent pas, je ne comprends pas leur
mépris de l’armée d’Israël et le regard qu’ils portent sur l’institution
Tsahal. Après tout, des crapules et des voyous existent de tous bords et les
Harédim n’en manquent pas.
Je comprends l’exaspération, voire quelque fois la haine que
portent les Laïques sur le monde harédi mais je ne comprends pas leur
acharnement à demeurer dans leur crasse ignorance de tout ce qui concerne la
tradition juive et l’immense littérature que nous ont légué nos sages à travers les millénaires. Je ne comprends pas
non plus leur fascination pour la matérialité et la futilité environnantes, à
charge pour chacun de remplir en toute conscience les cases qui le concernent.
Je n’apporte aucune solution à ce problème qui me dépasse
mais j’éprouve la sensation que l’abime
qui sépare ces deux mondes pourra être, non pas comblé, mais atténué par des
initiatives individuelles de passeurs tels le rav Adin Steinsaltz qui a su mettre le Talmud à la
portée de tous ceux qui ne fréquentent pas les Yéshivot.
A suivre ….. c
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