La sortie du ministre de la Défense Boogie Ayalon à l’encontre de
John Kerry a déclenché la foudre des Américains et couvert les manchettes des
Journaux. Et pourtant, personne, à ma connaissance n’a cherché à analyser le
sens de la phrase de Boogie qui est d’une finesse peu commune, surtout dans la
bouche d’un militaire.
En hébreu, les mots d'Ayalon sont les suivants : נחוש ופועל מתוך אובססיה לא מובנת ותחושה משיחית
Ce qui en français pourrait se traduire :
« Le secrétaire d’Etat est arrivé chez nous déterminé, mû par une obsession inexplicable et par un sens (irrationnel) de messianisme ».
La phrase prononcée par Ayalon pourrait signifier que John Kerry est effectivement fort
déterminé mais que sa détermination et l’action frénétique et désordonnée qu’il
déploie n’appartiennent pas au domaine du rationnel et du réfléchi. Ses mobiles relèvent de pulsions, de sensations vagues, dont le sens profond lui échappe. Quant au messianisme qui le meut,
Ayalon tombe en plein dans le mille. Car qu’est-ce que le messianisme en
définitive si ce n’est que l’on se sent investi d’une mission par en Haut, et
que cette action vise à la Délivrance finale. Non pas une petite délivrance de
rien du tout mais au chambardement d’une réalité, pour lui inacceptable, dont la
finalité serait que le loup cohabite avec l’agneau et vice versa. L’agitation
de Kerry déborde largement le cadre géopolitique pour pénétrer de plein pied
dans le domaine psychanalytique, s’apparentant d’avantage au Syndrome de
Jérusalem, qui transforme régulièrement un pèlerin à priori normal en un Roi
David courant nu dans les rues de la ville sainte, muni d’une couronne en
carton et d’une épée en plastique, réclamant la royauté qui lui est due.
Ce type de comportement est généralement le fait de chrétiens
atteints par une certaine fragilité émotionnelle qui ne s’exprime que lors de
leur passage à Jérusalem. Les psychanalystes israéliens sont très au fait de ce
phénomène et ont développé au fil des ans des techniques appropriées à ce
syndrome. Voir l’abondante littérature qui traite du Syndrome de Jérusalem.
Pour ma part j’aimerais avancer une hypothèse, qui vaut ce
qu’elle vaut, et qui pourrait expliquer le cas Kerry.
Vous n’ignorez pas que les grands-parents de John Kerry sont
d’origine juive. Cela a été révélé en 2003 par un généalogiste américain Felix
Gundacker, à la demande du Boston Globe. Il s’agit de Fritz Kohn et de Ida Lowe - soit, en passant un Cohen et une fille Levi
- nés dans l’Empire Austro-Hongrois. Ils changèrent en 1900 leur nom en Frederick et Ida Kerry et se convertirent un an plus tard au Catholicisme. John Kerry a toujours
affirmé qu’il savait que ses grands-parents étaient natifs d’Autriche mais,
jusqu’à la révélation du Boston Globe, ignorait que ses ascendants étaient tous
deux Juifs. Il apprit par ailleurs que le frère et la sœur de sa grand-mère (Otto
et Jenni) ont été exterminés dans les Camps.
Tachez de vous mettre à la place d’un homme qui prend connaissance par la Presse à l'âge de 60 ans que ses deux grands-parents étaient
des Juifs convertis au Catholicisme. Je veux imaginer que cette révélation, si
elle n’a pas constitué un traumatisme, a néanmoins provoqué un choc, disons
important. Et voici que 10 ans après, John Kerry bombardé Ministre des Affaires
Etrangères s’attelle avec frénésie au dossier Israélo-Palestinien, de la
manière que l’on sait. Cette révélation tardive suffirait en tout cas à convaincre John Kerry que
la mission qui lui a été confiée, de concilier l’inconciliable, lire Israéliens
et Palestiniens, ne lui a pas été attribuée par hasard et, que si les voies, ou
voix du seigneur sont à priori impénétrables, pour ce qui le concerne,
elles seraient limpides et audibles.
Il s’agit, je le répète, d’une hypothèse de travail, qui tendrait
à expliquer la frénésie, l’acharnement
et la somme d’énergie que dépense Kerry dans sa Mission, et que Boggy
Ayalon dans une formule lapidaire et géniale qualifie d’ « obsessive
et de messianique ».
M’est avis aussi est que si la sortie d’Ayalon a tant énervé les Américains c’est qu’elle
comportait un fond de vérité ("Il n’y a que la vérité qui blesse", comme dit le
dicton populaire).
Bien d’autres politiciens américains ont œuvré pour un
rapprochement israélo-palestinien mais aucun d’eux n’a semblé habité par sa
mission comme l’est John Kerry. On sent clairement que pour lui la conciliation
des deux parties est d’une importance cruciale. Si cela ne se produisait pas,
ce serait une catastrophe planétaire, une quasi apocalypse débouchant sur l’ultime
guerre de Gog et Magog.
Avant d’apprendre que les grands parents de Kerry
étaient Juifs et qu’il l’ait découvert à un âge avancé, j’imaginais que son
obstination à convaincre les Israéliens qu’hors d’un accord, il n’y avait point
de salut, répondait à des considérations chrétiennes. Après avoir réfléchi sur
la phrase d’Ayalon et après avoir wikipedié, je pense que la découverte tardive
de ses origines juives jointe à son éducation catholique constitue un cocktail
très personnel d’où il puise son énergie quasi messianique.
Sauver Israël malgré lui, telle est sa mission. Il est le Moïse
des temps modernes qui sait ce qui est bon pour ces Juifs qui ne savent pas
distinguer leur droite de leur gauche. Sinon, c’est chaos, c’est le boycott généralisé,
d’où découlera la famine et la misère. Apocalyptique, vous dis-je. Et pour
donner encore plus de poids à ses dires, Kerry nous l’annonce, non pas du haut
du Mont Sinaï, mais de la ville de Munich de sinistre mémoire.
Sur ce je terminerais également sur une phrase de Boogie Ayalon prononcée
également à Munich : "Un accord avec les Palestiniens c’est bien, mais si
ça n’aboutit pas c’est pas grave, Nistadér, on s’arrangera".
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