Vous connaissez tous - du moins les plus anciens d’entre
vous - la fameuse photo du Rav Shlomo Goren
sonnant du Chofar devant le Mur Occidental lors de la conquête de Jérusalem en
1967, mais il y a bien plus de choses à connaître sur le premier Grand Rabbin
de Tsahal. L’occasion m’a été donnée d’en apprendre d’avantage en lisant sa biographie, rédigée par Avi Rat publiée aux Edition
Yédiot Aharonot. Pour faire simple on
pourrait dire que si Ben Gourion a bâti pendant la guerre d’Indépendance
l’armée unique de l’Etat juif, le Rav Goren a construit de ses mains la seule
armée juive au monde. Rien à priori ne rapprochait
les deux hommes, or, entre Ben Gourion qui refusa toujours d’accrocher une
mezouza à sa porte et Rav Goren, le surdoué en Talmud, s’établit dès la première
rencontre une admiration et une unité de vue sans faille sur ce que devait être
l’armée de de l’Etat juif.
Rav Shlomo Gorenchik, qui transforma plus tard son nom en Goren, est né Zambrów en
Pologne en 1925 et arriva en Israël à l’âge de 7 ans. Ses parents font partie du
groupe de Hassidim qui décidèrent non pas de s’installer à Bnei Brak mais de
fonder une unité agricole qui s’appellera Kfar Hassidim. Shlomo Goren raconte
que son père et son frère aîné avalaient d’avantage de quinine que de pain en
tentant d’assécher les marais porteurs de malaria. Lui-même, dans son enfance, travailla
d’avantage la terre qu’il ne fréquenta l’école. Sa mère connaissant le potentiel de son gamin décida de
déménager à Jérusalem où le petit Shlomo pourrait étudier sérieusement la
Torah. Très vite il fut distingué comme ilouï (surdoué) , intégra à 12 ans la
Yeshiva de Hebron où il devint l’unique élève à y célébrer sa Bar-Mitsva. Il fut nommé
Rav à 17 ans et publia au même âge son
premier livre Nézer Hakodesh.
Il étudia également à l’université hébraïque et rejoignit les
rangs de Lékhi, concurrent du Hagana,
tout en déplorant les opérations meurtrières gratuites contre les Arabes. Au commencement
de la guerre d’Indépendance il rejoignit la Hagana, partant du principe que
toutes les factions devaient s’unir en une seule et même armée. Bien que dispensé du
service actif étant Rav il participa activement à la défense de Jérusalem
assiégé, où il se distingua comme tireur d’élite. Il n’accepta sa nomination de
Grand rabbin de l’armée juive qu’à la condition de continuer de se battre à son poste la nuit et d’occuper
ses fonctions de Rabbin la nuit.
En 1948 alors que Jérusalem était assiégée et que ses défenseurs
manquaient de tout, Rav Goren autorisa la fabrication d’armes le Shabbath,
permit de distribuer la viande non casher qu’avaient abandonnée les
britanniques aux malades et aux blessés, et non de la distribuer exclusivement,
comme le suggéraient les rabbins orthodoxes, aux Palma’hnikim hilonim, (combattants non observants) permit
d’enterrer dans des cimetières juifs les
combattants non juifs morts au combat pour la défense de Jérusalem. En
parallèle il réussit à convaincre les Harédim de Jérusalem de contribuer
activement à la défense de la ville assiégée en creusant une longue tranchée
pour empêcher les tanks jordaniens de pénétrer dans la la ville.
Rav Herzog, le grand
rabbin d’Israël et le ministre des cultes Rav Maïmon, qui connaissaient la grandeur dans la Torah
du jeune Goren, ainsi que son charisme auprès des religieux et des non
religieux, sa détermination et son courage physique, insistèrent auprès du Haut Commandement et de Ben Gourion
pour que soit confié à Rav Goren le
poste de Grand rabbin de Tsahal, à charge pour lui de dessiner les contours de
cette fonction qui n’existait évidemment pas. A ce poste le Rav, Colonel (qui sera par la suite nommé Général), parachutiste, tireur d’élite, Shlomo Goren, contribua tout autant que Ben Gourion à dessiner les contours de de l’armée, donc de
la société israélienne
Durant son mandat de Grand Rabbin de Tsahal, le Rav Goren
- se refusa à créer des unités composées exclusivement de
combattants religieux comme le réclamaient les Rabbanim harédim,
- fit l’impossible pour que les corps des soldats morts derrière les lignes
ennemies soient ramenés en Israël pour y être enterrés, quitte à aller les
chercher lui-même au péril de sa vie, et œuvra en parallèle pour la cause des
Agounot ( femmes dont le mari avait
disparu au combat ) afin qu’elles puissent avoir le droit de se remarier
- imposa des cuisines casher dans toutes les unités de
Tsahal, peu importe la composition des unités, et œuvré pour que chaque unité comporte son lieu de prière, sans jamais en imposer la fréquentation
- rédigea un siddour (livre de prières) unique pour tous les soldats, qui gomme les différences entre
les coutumes ashkénazes et séfarades
- initia un travail de géomètre pour déterminer l’emplacement
exact des Lieux Saints (défendus aux
juifs) afin que le Mont du temple reste sous contrôle israélien. Il se heurta à Moshé
Dayan qui imposa que l’ensemble du mont du Temple passe sous le contrôle du
Wakf. Il a par contre obtenu gain de
cause pour que la Maarat Hamakhpela (Tombeau des Patriarches) à Hébron reste sous contrôle juif.
A la création de l’Etat d'Israël, les combattants dans l’armée
étaient dans leur immense majorité non religieux et, sous la pression des
Hilonim (non ou anti-religieux), comme des rabbins harédim, se dessinait une armée à deux vitesses, composée de quelques unités composées de soldats religieux soucieux de cacheront et du respect du shabbath, et une armée qui n’en avait rien à faire. Tsahal aurait pu être bien diffèrent si le Rav Goren n’y avait pas apposé sa marque et imposé le caractère juif à l’ensemble de l’armée
israélienne.
En quittant l’armée le Rav Goren fu nommé successivement
Grand Rabbin de Tel-Aviv, puis Grand Rabbin ashkénaze d’Israël en compagnie de Rav Ovadia Yosef qui fut nommé Rishon Létsion, soit Grand Rabbin sépharade de l’Etat.
Malgré les déclarations officielles des deux grands Rabbanim, qui affirmaient à
qui voulait les entendre, que leur cohabitation fut une longue lune de miel, celle-ci
fut un désastre et entacha pour des années la fonction de Grand Rabbin. Bien
malin qui pourrait dire qui était dans le vrai, mais, entre le Rav Goren qui se référait
aux enseignements du Rav Kook et le Rav Ovadia Yosef sur lequel il n’est pas
utile de disserter, mis à part le fait que leurs âmes reçurent certainement la Torah au Mont Sinaï, il n’y
avait pas grand-chose de commun.
Leur vision respective de la société israélienne continue à
marquer largement leurs successeurs et le peuple juif tout entier. Je ne vous
étonnerais pas en me situant dans le
camp de Rav Goren, dont j’admire l’esprit de tolérance, l’absence totale de
sectarisme tant religieux qu’ethnique et sa vision du grand Israël.
Est ce que sa biographie est disponible en français ?
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